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L’expression de la violence dans la poésie

« Affres, détonation, silence »
Fureur et mystère (1947), René CHAR



Le Moulin du Calavon. Deux années durant,
une ferme de cigales, un château de martinets. Ici
tout parlait torrent, tantôt par le rire, tantôt par les
poings de la jeunesse. Aujourd’hui, le vieux
réfractaire faiblit au milieu des ses pierres, la
plupart mortes de gel, de solitude et de chaleur. A
leur tour les présages se sont assoupis dans le
silence des fleurs. Roger Bernard : l’horizon des monstres était
trop proche de sa terre.
Ne cherchez pas dans la montagne ; mais si, à
quelques kilomètres de là, dans les gorges d’Oppe-
dette, vous rencontrez la foudre au visage d’écolier,
allez à elle, oh, allez à elle et souriez-lui car elle
doit avoir faim, faim d’amitié.



EXPLICATION:
René Char : chef du secteur Durance-Sud de l’Armée Secrète sous le titre de Capitaine
Alexandre. Organise des sabotages contre l’Italie puis contre l’occupant nazi. En Juillet 1944,
il est appelé auprès de l’Etat-Major interallié d’Alger pour le débarquement en zone Sud. Ce
texte est daté de 1947, il est contenu dans la partie « Le poème pulvérisé » de Fureur et
mystère, recueil qui contient tous les poèmes de 1938 à 1947.

Texte énigmatique car indices sémantiques rares : 3 noms propres à1 nom e personne au
milieu (frère d’arme du poète) ; les 2 autres : lieu de rdv, lieu d’opération. Le reste de la
description encadre et met en valeur ces indices. Champ lexical de la nature provençale :
nature sauvage, inviolée : « Moulin » = témoignage de force et de résistance (cf. « le vieux
réfractaire »), il est inaltérable.

- 1er § : combats rudes en ces lieux. 2 ans avant, c’était un lieu où une jeunesse active
et déterminée (cf. « les poings ») répandaient vie et espoir. Désormais, silence de
mort (cf. « le silence des fleurs »). Au départ : harmonie entre les hommes et la
nature : ils étaient fiers et vifs comme elle, mais aussi fragilesà la mort a eu raison
d’eux.

- 2ème § : sens difficile à saisir. Roger Bernard devait constituer le centre du groupe de
partisan, car il était là chez lui (cf. « sa terre »), et la figure la plus attachante. Sa
mort ?? fusillé après avoir été torturé (cf. titre : « affres » = torture ; « détonation » = coup de feu ;
« silence » = mort). Il a rejoint sa terre ; cette nature constitue le plus
doux des linceuls.

- 3ème § : sens plus clair. C’est un poème du souvenir : l’image encore visible du
moulin et l’image éternelle des gorges rappellent celle du disparu qui hante les
mémoires. Difficile à retrouver malgré les efforts du poète pour ressaisir les
souvenirs épars, les lieux symboliques, les instants uniques (cf. « foudre »).
Image de « la foudre au visage d’écolier » : jeunesse, fougue, vitalité (cf. 1er §) de ces gens
très liés, même après avoir été séparés par la mort.
La mort est les circonstances ne sont pas évoquées car ce qui est important, c’est de
rappeler ces moments de fraternité.
Fin du poème = incitation à la solidarité en pensée du combat héroïque de ces hommes ;
incitation au témoignage sur la sincérité et lé pureté de leurs actes et de leurs intentions.

Bref poème ciselé comme un objet d’art. Le message de la résistance est toujours ou doit
l’être (cf. rythme ample de la dernière phrase + injonction pressante et enjouée : « oh »). Ce
message s’exprime sous la forme d’éclair bref et frappant (cf. phrases brèves, images
prégnantes, « foudre »). Char rappelle le passé mais évoque aussi l’avenir.
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